L’innovation en entreprise peut porter sur des produits, des procédés, des technologies, des modes de travail et d’organisation, elle peut avoir des effets sur tout ou partie de l’activité, et ce de manière plus ou moins radicale. Dans tous les cas, elle nécessite d’être impulsée, portée voire défendue par un « champion » qui fait ainsi figure de leader du changement. Pour mener à terme le projet innovant, le champion va devoir naviguer au milieu de courants porteurs – les forces internes favorables au changement – et de vents contraires – les forces défavorables, voire hostiles à son projet. Quel est le destin professionnel de ces champions, leaders du changement?
A l’occasion de la 4ème édition des Entretiens Experts de l’APEC qui portait sur la mobilité et ses enjeux pour les entreprises, François Grima, professeur en sciences de gestion à Paris XII, a partagé les résultats d’une étude qu’il mène sur ce thème en interrogeant des personnes qui sont ou ont été des « champions ». Cette étude dégage trois profils : l’icône, le paria et le gagnant.
L’icône est le « champion » qui est parvenu à porter le projet innovant jusqu’au bout, qui est reconnu pour cela mais dont l’évolution ultérieure le cantonne à la périphérie de la direction générale, loin du terrain, parfois dans une position de « conseiller du prince ». L’icône est la preuve que l’innovation a été acceptée mais au prix sans doute de quelques susceptibilités froissées ou guerres d’ego : la métabolisation du changement se fait ainsi au prix d’une mise en retrait du champion.
Quand bien même l’innovation serait absorbée par l’entreprise, il arrive que son champion devienne un paria : un comportement perçu comme véhément, des convictions très fortes combinée à un faible sens politique qui l’ont amené à faire passer ses idées en force le mettent finalement au ban de l’entreprise.
Enfin, certains champions sont des gagnants en ceci qu’ils sortent renforcés de cette expérience de leader du changement : non seulement l’innovation est considérée comme une réussite mais le champion bénéficie d’une forte reconnaissance par son environnement, qui peut se traduire ultérieurement par une promotion interne ou par une trajectoire professionnelle brillante à l’extérieur de l’entreprise. Cette sorte de champion bénéficie d’une grande habileté relationnelle, d’un sens politique aigü et d’un « capital social » élevé au sein de l’entreprise – en particulier de solides appuis pour soutenir son projet.
François Grima souligne d’ailleurs le rôle positif des « parrains » qui protègent, guident et soutiennent le champion, notamment lorsque les premiers résultats découlant de la mise en oeuvre du projet innovant sont balbutiants, insuffisants et donc plus facilement opposables.
On voit ainsi que le destin d’un « champion » n’est pas corrélé au seul degré de succès de l’innovation qu’il a initiée et promue. Il dépend aussi du jeu complexe des interactions entre lui et l’entreprise, à un moment précis situé à la croisée de leurs histoires respectives. De notre point de vue, il n’y a donc pas de déterminisme mais plutôt une convergence de facteurs plus ou moins favorables : un « champion gagnant » dans un contexte donné pourrait aussi bien finir en icône ou en paria dans un autre contexte.
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